Jet Set Radio
Le nombre de jeux réussis sur Dreamcast devient gênant pour
la concurrence. Jet Set Radio arrive à faire de l’ombre, même à
Nintendo. Incroyable !
Après avoir créé la surprise à l'E3 de Los Angeles en mai dernier, Jet Set radio est sorti au
Japon en juillet et si vous êtes avec Overgame depuis cette période, vous vous rappellerez
certainement nos deux Focus enthousiastes d'alors (voir liens).
Ce Test accompagnant la version française a pour fonction d'entériner la valeur d'un
des jeux les plus réussis cette année. Assez réussi d'ailleurs pour devenir un
exemple.
Un cliché nommé génie
Le concept du jeu peut paraître de prime abord assez bateau, trop "tendance" pour être
honnête. Lâcher de jeunes taggers chaussés de rollers skates dans une ville moderne, puis
leur demander de défier la police et les autres bandes de taggers est une idée assez simpliste
pour être accusée de projet uniquement marketing. Dieu merci, ce n'est pas du tout le cas. Si
l'opportunisme du propos a probablement donné le feu vert aux jeunes développeurs
japonais au sein de Sega, il faut savoir que Jet Set Radio est bien un projet unique
concrétisé par de vrais talents.
Gang chic et choc dans ville toc et classe (répéter très vite)
Donc, après plusieurs sections d'apprentissage modéré, prétextes au recrutement progressif
de l'équipe de choc, nous voilà libre comme l'air dans la ville de Tokyo-To. Libre est même un
mot faible. Les super skates à nos pieds ont des vertus énergétiques qui autorisent
toutes les audaces. Cherchant prudemment son équilibre en début de partie, le joueur prend
un plaisir simple à diriger un patineur sur bitume. Quelques timides sauts plus tard,
l'expérience se transforme en bonds spectaculaires. Des égouts aux sommets des gratte
ciels, vous voilà capable de prendre possession d'une ville à bras le corps.
Super-héros comme vous et moi
A la manière des super-héros américains, les jeunes taggers stylés traversent la ville comme
aucun être humain n'en est capable. En équilibre sur les palissades, prenant de l'élan sur les
rambardes des escalators avant de faire un saut spectaculaire vers un toit, chaque acrobatie
est tentante, chaque audace payante… Imaginez, même les fils électriques suffisent à
"grinder" d'une rive d'avenue à l'autre. Et quand, après un peu d'habitude, vous devenez
capables de glisser quelques mètres sur un mur vertical avant de rebondir plus loin,
vous vous rendez compte que tout est possible, à condition d'essayer. Les skates
transforment les taggers en surhommes (ou surfemmes) défiant les lois de la pesanteur. Une
telle liberté, évidemment, ne peut pas s'apprécier sans son lot de contraintes. C'est là
qu'intervient la police…
C'est chez moi ici !
Niveau après niveau, quartier par quartier, la jeune équipe de taggers investit la ville et marque
son territoire de ses graffitis. Grâce à l'éditeur de tags vous pouvez écrire votre nom en
toute lettre ou votre logo favori, et ça change tout. Chaque mur devient un tableau où
vous écrivez votre histoire. Si un membre d'un gang de taggers adverse s'amuse dans votre
section, votre arrivée dynamique le fait généralement fuir (un bon dérapage fait l'affaire). Reste
plus, alors, qu'à appliquer votre graffiti sur le sien.
''Je suis le juge et le jury, et je vais te coffrer'' (Capitaine Onimisha)
Après un certain nombre de tags apposés, la police intervient… Des pelotons de policiers
coursent votre graffiteur qui doit alors se réfugier sur les hauteurs. Plus tard, un sale flic à la
mèche et à l'imper crasseux (le Capitaine Onimisha) se mêle à la cohue et n'hésite
pas à faire feu avec un énorme flingue qui tire des balles en caoutchouc (!). C'est
hilarant, ça fait mal quand même, mais personne ne meurt, ce n'est pas le propos.
Idem quand l'armée lâche ses parachutistes, ses hélicoptères de combat, ses fantassins, le
chaos règne… Le risque de perdre sa partie est sérieux, mais rien ne saigne. Le jeu se
transforme alors simplement en chasse à l'homme dont vous êtes le gibier. C'est là
qu'intervient la dimension tactique. Pour réussir à finir le niveau malgré les attaques
incessantes des tanks ou des doberman, il est recommandé de graffiter les murs de la rue au
début, de façon à garder pour la fin les graffitis à faire sur les hauteurs, hors de portée des
forces de l'ordre.
L'art de la rue, et non : art rural
La souplesse des commandes est à faire frémir. Les tags s'appliquent d'une simple
pression de la gâchette gauche tandis que des fresques murales jailliront si vous faîtes des
combinaisons de gestes précis avec le stick analogique. Petite contrainte, ce sont les
emplacements prédéfinis qui décident du type de tags. Ce n'est pas bien grave, le plaisir reste
entier. Seule vraie obligation pour la manœuvre : avoir de la peinture en stock. C'est d'ailleurs
ce qui vous incite à arpenter sans fin la ville et tous ses recoins à la recherche de bombes de
peinture.
Avant de commencer la partie, bien sûr, vous aurez fait un tour par le menu de créations de
tags. A l'aide d'un véritable logiciel de dessin inclus sur le GD-Rom, vous allez
pouvoir créer votre image de marque sous trois formats différents et
complémentaires : petit, normal et grand. Voilà de quoi essayer sa fibre artistique,
d'autant qu'il est possible de mettre vos créations à disposition sur DreamArena en passant la
connection Internet du jeu…
Une 3D généreuse et fluide
Le moteur 3D est d'une efficacité redoutable, la ville laisse toujours voir un horizon crédible
complet et sans défaut, même lorsqu'un tagger est posté sur un toit et que son regard porte
loin. La ville est habitée de passants qui rouspètent quand on les bouscule, de
véhicules en mouvement sur lesquels on peut grimper ou même s'accrocher au pare
choc. La rue est naturellement balisée d'objets hétéroclites et mobiles, panneaux devant les
échoppes, vélos, poubelles, autant d'obstacles bousculés sans peine par le skater pressé.
Tout cela sans aucune défaillance technique.
Du staïle à revendre
Visuellement, JSR repousse les limites connues de l'animation et du rendu. Le procédé
particulier qui redessine les contours de tous les volumes d'un gros coup de crayon, entérine
un style graphique déjà prononcé et original. L'animation de tous les personnages qui skatent
mais aussi qui dansent (la musique funky participe à 100 % à l'ambiance), est remarquable
d'élégance et de style. Chacun des membres du gang est un poseur qu'il est
absolument miraculeux de voir bouger en accord avec sa singulière tenue
vestimentaire.
Des manquements qui ne comptent pas
Soulignons, sans grande conviction, les réserves qu'il est de coutume d'évoquer dans une
critique. Bien que le jeu se divise en plusieurs carrefours, et donne accès à deux ou trois
niveaux simultanément, le scénario force une approche linéaire. Il ne permet pas, par
exemple, de revenir sur un niveau. Une fois terminé, celui-ci disparaît de la carte et il faut
passer au suivant. D'autre part, le plaisir de jeu est si important, le contrôle si fiable,
que l'instinct primitif du joueur l'incite à se mesurer à un adversaire humain, et Jet
Set Radio ne contient pas de mode deux joueurs. Loin de nous l'idée qu'il faille
obligatoirement un mode deux joueurs dans chaque jeu, mais le contrôle est ici d'une telle
qualité, qu'il donne très envie de se comparer au savoir faire d'un camarade.
Sega au niveau de Nintendo
Sega vient d'atteindre avec ce jeu un mélange habituellement réservé à la magie Nintendo :
une osmose parfaite entre technologie de pointe, et jouabilité intuitive.
Jet Set Radio est maniable, énergique, précis dans ses objectifs mais pas dirigiste, il laisse
toute l'initiative au joueur qui se sent alors "maître de l'univers". Jet Set Radio est
absolument incontournable pour un joueur console, un magnifique symbole de
réussite pour la Dreamcast (qui n'en manque pas). Voilà un jeu vraiment original,
dans tous les sens du terme.
Note générale: 9,5 / 10
Côté plus :
Réalisation sans faille
Maniabilité miraculeuse
Editeur complet de graffitis
Plus de niveaux dans la version PAL
Réunion parfaite du fond et de la forme
Humour et style
Côté moins :
Pas de mode deux joueurs
Linéaire à cause du scénario
Temps de chargement
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